Académicien français : l'avenir de l'Europe en 2024 se joue à Gaza
L'académicien et professeur français Jean-Pierre Filiu estime que le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, et le président russe, Vladimir Poutine, qui misent sur le retour de l'ancien président américain Donald Trump à la Maison Blanche, feront tout leur possible pour prolonger la guerre à Gaza. Cette stratégie aurait des conséquences désastreuses sur l'Union Européenne, affectant ses relations avec le Moyen-Orient ainsi qu'avec l'Ukraine.
Selon Filiu, il est préoccupant que l'accoutumance à la guerre à Gaza se soit installée plus rapidement que celle en Ukraine, bien que les pertes en Ukraine soient principalement militaires. À Gaza, le seuil d'élimination de 1% de la population est presque franchi, ce qui équivaudrait, à l'échelle de la France, à la mort de 650 000 Français, dont 250 000 enfants, en plus de millions de blessés, d'orphelins, de mutilés et de personnes traumatisées.
Cependant, écrit le professeur dans sa chronique pour le journal Le Monde, rien n'annonce la fin de cette tragédie, car Netanyahu a tout intérêt à prolonger la guerre, notamment avec la possibilité de réélection de Donald Trump.
Netanyahu ne joue pas seulement sa survie politique, mais cherche également à garantir son immunité en tant que chef du gouvernement, et à écarter les poursuites judiciaires ouvertes contre lui depuis 2019 pour corruption, fraude et abus de confiance, des accusations qui pourraient le conduire en prison.
Un Double Pari
Pour cette raison, explique Filiu, expert en affaires du Moyen-Orient, Netanyahu a fixé pour son armée un objectif plus rhétorique que militaire, à savoir "l'élimination" du mouvement de résistance islamique, le Hamas. Pour lui, le maintien des hostilités est devenu un but en soi, non seulement pour conserver le pouvoir, mais aussi pour affaiblir le président américain Joe Biden, espérant le retour de Trump et le soutien inconditionnel qu'il lui a offert pendant son mandat.
Netanyahu n'est pas le seul à s'appuyer sur de tels calculs. Poutine est convaincu que la réélection de Trump garantirait sa victoire sur l'Ukraine, faisant de lui le plus grand bénéficiaire de la guerre à Gaza, après que les démocraties occidentales aient montré leur incapacité à défendre dans le Moyen-Orient les principes juridiques au nom desquels elles ont soutenu l'Ukraine, illustrant ainsi un éclatant exemple de "deux poids, deux mesures".
Avec l'augmentation des chances de succès de la Russie en Ukraine à chaque jour que la guerre se prolonge à Gaza, Filiu pense que le moment est venu pour l'Europe de rassembler ses forces pour éviter un tel scénario catastrophique, et de se mobiliser en faveur d'une solution permanente au conflit israélo-palestinien avec la même énergie que celle dépensée pour soutenir l'Ukraine en 2022.
L'auteur conclut que les coûts du marginalisation européenne en raison de la crise continue au Moyen-Orient pourraient être élevés, ce qui signifie qu'il est essentiel pour l'Union Européenne de concentrer sa politique à court et moyen terme pour réaliser "l'objectif stratégique" qu'elle s'est fixé, celui de la solution à deux États.
Cela implique, selon Filiu, de réévaluer toutes les formes de coopération avec Entité sioniste et de suspendre tout projet qui renforce, même indirectement, la colonisation dans les territoires occupés de Jérusalem-Est et de la Cisjordanie.
En conclusion, l'Union ne devrait pas se contenter du rôle de bailleur de fonds pour la reconstruction des zones détruites à Gaza, un rôle que lui attribuent les États-Unis et Entité sioniste pour s'exempter de leur responsabilité dans une telle catastrophe. Cela signifie nécessairement que le destin de l'Europe en 2024 se décidera à Gaza, selon Filiu.