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Strasbourg arrive à saturation. Le marché de Noël, qui a débuté cette semaine, accueillera au moins 3,3 millions de touristes jusqu’au 24 décembre. Un moment *« convivial, solidaire et équitable »*, comme l’a promis Jeanne Barseghian, maire écologiste de Strasbourg ? Pas toujours.
Une foule dense et des mesures inédites
Pour les visiteurs, l’exercice s’apparente à un coude-à-coude devant les stands de vin chaud et chez les marchands de souvenirs, installés dans 314 chalets sur des places pittoresques du centre historique. Afin de canaliser la foule, la préfecture a annoncé la mise à sens unique de trois rues piétonnes proches de la cathédrale, aux heures de grande affluence. C’est inédit. « *Pour certains habitants, c’est devenu du surtourisme. Pour les acteurs économiques, c’est exactement ce qu’il faut* », a déjà tranché Catherine Gouttefarde, directrice de l’agence régionale du tourisme du Grand Est.
L’office du tourisme doit arrêter la promotion
L’engouement pour le marché de Noël est apparu dans les années 1990, sur une tradition locale instaurée en 1570 : le « marché de l’Enfant Christ ». L’office municipal et l’agence régionale du tourisme, impliqués dans cette relance, ont depuis peu cessé toute action de promotion. « *On ne maîtrise plus la communication. Elle est devenue instantanée et spontanée* », reconnaît Catherine Gouttefarde.
Des prix en forte hausse pour l’hôtellerie
L’hôtellerie est la grande gagnante de cet engouement. Décembre, considéré comme le pire mois de l’année, est devenu le meilleur. Avec des taux d’occupation à 90% en moyenne, et une demande supérieure à l’offre (10.000 chambres dans l’agglomération), les hôteliers n’hésitent plus à augmenter les prix. À l’hôtel Maison Rouge (131 chambres), situé sur la Place Kléber, le taux d’occupation prévisionnel se situe à 96%. « *Tout se passe très bien* », confirme sa directrice générale Carine Kienlé. Dans cet établissement franchisé de la marque américaine Marriott Autograph Collection, on se défend de pratiquer des tarifs excessifs. « *La différence de prix entre la saison basse et la saison haute s’inscrit dans une échelle de 1 à 2* », témoigne Carine Kienlé.
Taux d’occupation record et controverses de prix
L’année dernière, certains hôtels ont pu afficher un taux d’occupation de 102 %. « *C’est l’effet des annulations non remboursables. Certaines chambres, relouées à la dernière minute, ont donc été louées deux fois* », explique Catherine Gouttefarde.
En 2022, l’envol des prix avait entraîné un mini-scandale : des assistants du Parlement européen, présents à Strasbourg par obligation professionnelle, avaient dénoncé le prix de la nuitée dans un hôtel Mercure, à 1.000 euros. « *Le yield management, qui définit les prix en fonction de l’offre et de la demande, fait partie du modèle économique de la filière touristique depuis des décennies. Est-ce raisonnable ? Ça se discute* », reconnaît Joël Steffen, adjoint au maire et président de l’office de tourisme de Strasbourg. « *Il faut garder en tête que les choses ont une valeur, et qu’un prix trop élevé peut avoir un effet absurde* », reconnaît l’élu.
Une chambre à l’Ibis pour 1.016 euros
Les prix élevés auraient donc, pour seule explication, les excès du yield management ? Véronique Siegel, présidente de l’Union des métiers de l’industrie de l’hôtellerie (UMIH) du Bas-Rhin, tente de calmer le débat : « *décembre à Strasbourg, ça ressemble au mois d’août sur la côte d’Azur. C’est la haute saison* ».
« *Le marché de Noël à Strasbourg, c’est comme la plage à Cannes : si vous l’enlevez, l’hôtellerie s’arrête* », confirme Sébastien Antoine, directeur général du Sofitel. Dans son établissement (cinq étoiles) de 150 chambres, *« décembre représente entre 20% et 25% du chiffre d’affaires de l’année. Nous avons la chance d’avoir notre propre yield manager, un métier qui est de plus en plus remplacé par de l’intelligence artificielle »*.
Deux ans après la polémique du Mercure à 1.000 euros, la politique du groupe Accor aboutit pourtant, cette année encore, à une aberration : sur le site de réservation en ligne du groupe hôtelier, l’hôtel Ibis Styles (trois étoiles) du Stade de la Meinau propose une chambre à 1.016 euros pour la nuit du 17 décembre ! Le même soir, l’hôtel F1 (une étoile), au bord de l’autoroute à La Vigie, est à 155 euros.
Attirer des touristes ailleurs dans le Grand Est
Pour freiner l’inflation de la fréquentation, l’office de tourisme de Strasbourg a arrêté de faire la promotion de son marché de Noël. Colmar, également saturée, a pris la même décision. « *On n’accueille plus d’influenceurs. On n’est pas encore contraints de faire du démarketing touristique, et j’espère qu’on n’arrivera jamais à ce stade qui serait contre-productif* », prévoit Catherine Gouttefarde.
L’agence régionale de tourisme rêve de voir affluer des touristes ailleurs dans le Grand Est, ou à d’autres périodes de l’année. « *On rappelle qu’il y a d’autres marchés de Noël dans le Grand Est, à Nancy ou à Reims, et ils sont très beaux* », sourit Catherine Gouttefarde.