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La proposition de Michel Barnier sur la justice fiscale
Thomas Coutrot, économiste à la Dares, s’interroge sur la possibilité de voir un gouvernement de droite taxer les plus riches : « De mémoire, je n’ai jamais vu un seul gouvernement de droite taxer plus fortement les plus riches ». C’est pourtant ce que propose Michel Barnier, gaulliste depuis sa jeunesse, qui vient d’être désigné nouveau Premier ministre. Lors d’un entretien sur France 2 dimanche dernier, il a déclaré être ouvert à l’idée que les ménages les plus fortunés contribuent à l’effort national par le biais de « prélèvements ciblés », impliquant également certaines grandes entreprises, afin de préserver la majorité des Français d’une hausse des impôts.
Une nouvelle approche pour la droite ?
Est-ce que la droite plaide enfin pour une plus grande justice fiscale ? « Ce serait une première », rétorque Thomas Coutrot. Il rappelle que même du côté de la gauche, la redistribution des richesses n’a pas toujours été leur priorité. Sous les mandats de François Hollande et Lionel Jospin, des aides aux entreprises et des mesures fiscales avantageuses pour les plus riches ont été mises en place.
Les difficultés d’une réforme fiscale sous Macron
En matière de justice fiscale, la tâche se complique encore plus par le fait que le président Macron a axé son mandat sur la réduction des impôts pour tous, y compris les plus riches. Gabriel Attal a exigé des « garanties » concernant le maintien des impôts des classes moyennes avant de quitter Matignon. L’économiste Thomas Piketty critique ouvertement Michel Barnier : « Lui et Emmanuel Macron, ou LR-Ensemble pour la République, n’ont absolument aucune crédibilité sur la question de la justice fiscale ».
Des discours flous et un scepticisme ambiant
Face aux déclarations du Premier ministre, Dominique Plihon, spécialiste de la politique fiscale, exprime un certain scepticisme : « D’autant plus que le Premier ministre s’est montré extrêmement vague. Il ne parle pas explicitement de plus imposer les plus riches, une catégorie qu’il ne précise d’ailleurs pas ». Barnier a mentionné qu’il épargnerait « les Français qui travaillent », sans indiquer si cela incluait les grandes fortunes.
Appels à des mesures concrètes
Thomas Piketty attend quant à lui que le gouvernement présente des propositions précises et chiffrées pour établir la justice fiscale. Dominique Plihon espère également la mise en place de mesures, mais s’interroge sur leurs impacts réels, au-delà du symbole. Parmi les pistes émises, la désindexation d’une partie de l’impôt sur le revenu est envisagée, bien que jugée insuffisante. Une taxation accrue des « superprofits » est aussi discutée, mais le concept demeure flou.
Une communication ou une réelle volonté de changement ?
Pour Dominique Plihon, un renversement total de la philosophie macroniste semble improbable. Quant à celle de Barnier, elle pourrait également se révéler ambiguë. Le débat sur le retour de l’impôt sur la fortune ou d’une flat tax devra attendre un nouveau cycle électoral.
Ce premier pas vers une plus grande justice fiscale pourrait bien n’être qu’un geste de communication, selon Thomas Coutrot. « Le gouvernement ne peut se permettre de réduire uniquement les dépenses publiques. Avec son manque de légitimité démocratique, il serait très difficile de ne pas taxer légèrement les plus riches », conclut-il, en posant la question de savoir si l’austérité sera appliquée de manière équilibrée ou non.
Enfin, une dernière hypothèse pourrait être que l’état des finances publiques soit si préoccupant que même la droite se verrait contrainte de revendiquer une plus forte justice fiscale. Cela reste toutefois peu probable selon Dominique Plihon, qui souligne que l’idée de plus d’impôts est difficilement audible dans l’imaginaire collectif français, où « le pays a déjà les prélèvements obligatoires les plus élevés ».