Sommaire
Hypoxie : un facteur clé dans la lutte contre le cancer
Dans le paysage complexe du cancer, les tumeurs créent leur propre microenvironnement, souvent caractérisé par des niveaux d’oxygène réduits, un phénomène connu sous le nom d’hypoxie. Cette condition se manifeste lorsque les tumeurs se développent rapidement, dépassant ainsi leur approvisionnement en sang en raison de l’inefficacité du système vasculaire à l’intérieur de la tumeur. Cet environnement asphyxié oblige les cellules cancéreuses et les tissus environnants à s’adapter, ce qui favorise généralement la survie et la croissance tumorale.
L’impact de l’hypoxie sur les cellules immunitaires
Les cellules immunitaires présentes dans le microenvironnement tumoral subissent également cette pression hypoxique. En effet, les cellules cancéreuses enseignent aux cellules immunitaires de tolérer leur présence et peuvent même encourager la croissance du cancer, échouant ainsi à remplir leur rôle principal. Par conséquent, l’hypoxie est généralement corrélée à des cancers plus agressifs et à de moins bons résultats pour les patients, car elle entraîne des modifications rendant les tumeurs plus résistantes aux traitements.
Une nouvelle perspective sur l’hypoxie
Cependant, ce paradigme bien établi n’est pas absolu. Récemment, le groupe du Dr Esteban Ballestar à l’Institut Josep Carreras a publié une étude dans la revue Science Advances, révélant l’identification et la caractérisation d’une population de cellules immunitaires qui, en état d’hypoxie, réagissent de manière plus efficace contre les cellules cancéreuses. Cette population est distinguée par certaines altérations épigénétiques et la participation de facteurs spécifiques qui contribuent à l’acquisition de ces caractéristiques.
Les macrophages : acteurs clés du système immunitaire
Cette découverte surprenante enrichit notre compréhension des effets de l’hypoxie dans le cancer. Bien que l’on sache que l’hypoxie contribue à la progression du cancer, cette étude indique qu’une partie du système immunitaire du corps peut en réalité riposter. La recherche s’est concentrée sur les macrophages, un type de cellule immunitaire essentiel à la santé des tissus et à la lutte contre les infections.
Dans le microenvironnement tumoral, les macrophages sont généralement reprogrammés pour supprimer le système immunitaire, conduisant à de moins bons résultats pour les patients. Cependant, cette étude a révélé que certains macrophages exposés à l’hypoxie subissent des changements significatifs qui améliorent leur capacité à déclencher une réponse immunitaire contre les tumeurs.
Les découvertes clés de l’étude
Les chercheurs ont identifié un groupe de gènes liés à l’inflammation qui deviennent plus actifs dans les macrophages hypoxiques, sous l’effet de molécules régulatrices clés telles que NF-κB et HIF1α. Dans les cancers de la vessie et de l’ovaire, les tumeurs présentant ces macrophages hypoxiques et pro-inflammatoires ont montré de meilleurs résultats pour les patients.
Cette recherche remet en question la vision traditionnelle selon laquelle les faibles niveaux d’oxygène dans les tumeurs ne contribuent qu’à la progression du cancer. Au contraire, elle met en lumière une nouvelle stratégie potentielle pour exploiter le système immunitaire du corps afin de lutter plus efficacement contre le cancer.
Collaboration et financement de l’étude
Cette étude, dont les auteurs principaux sont Carlos de la Calle-Fabregat et Jose Calafell-Segura, a été réalisée en collaboration avec les équipes du Dr Florent Ginhoux (Centre de Cancérologie Gustave Roussy, Paris), du Dr Ángel Corbí (Centro Superior de Investigaciones Biológicas, CSIC, Madrid) et du Dr Cristina Muñoz-Pinedo (Institut d’Investigació Biomèdica de Bellvitge (IDIBELL)). Ce projet de recherche a bénéficié du soutien du Ministère espagnol de la Science, de l’Innovation et des Universités.