Liban, Palestine
Elias Khoury : Un écrivain engagé et une voix pour la Palestine
« Une année de douleur » est le titre emblématique qu’Elias Khoury a donné à l’une de ses dernières chroniques, écrite depuis son lit d’hôpital en juillet dernier. Cette phrase fait écho à la situation des Palestiniens, une cause que l’écrivain libanais a toujours soutenue avec ferveur jusqu’à sa mort, survenue le 15 septembre à Beyrouth à l’âge de 76 ans.
Une œuvre littéraire au-delà de la politique
Elias Khoury laisse derrière lui une œuvre riche qui transcende le domaine politique. Son parcours littéraire se compose de près de quinze romans, souvent des récits d’une grande ampleur, explorant les dilemmes existentiels de ses personnages tout en s’inscrivant dans les tumultes historiques. Son œuvre phare, La Porte du soleil, plonge dans la mémoire de la Nakba, l’exode des Palestiniens. Publié en France en 2002 par Actes Sud, le roman a été adapté au cinéma par Yousry Nasrallah en 2004.
Un chrétien propalestinien
Né à Beyrouth en 1948, Elias Khoury fait la visite d’un camp de réfugiés palestiniens en Jordanie à l’âge de 20 ans. Cette expérience marquante l’amène à rejoindre le mouvement Fatah, dirigé par Yasser Arafat, et à s’engager aux côtés des pro-Palestiniens durant la guerre du Liban. Farouk Mardam Bey, ami et éditeur de Khoury en France, souligne : « Elias appartenait à une génération d’intellectuels qui croyaient dans la cause palestinienne comme levier pour le monde arabe vers la modernité démocratique ».
Parallèlement, il choisit également l’écriture comme moyen d’engagement. Après un court séjour à Paris pour ses études, il retourne au Liban où il devient rédacteur en chef de la revue Les Affaires palestiniennes de 1975 à 1979 et occupe divers rôles dans la presse libanaise, notamment au journal As-Safir et au supplément culturel du quotidien An-Nahar. Sa carrière journalistique riche ne l’empêche pas d’enseigner la littérature à l’université Columbia, aux États-Unis, tout en continuant à produire des œuvres littéraires.
Une philosophie de la littérature
En 2018, Elias Khoury exprimait à La Croix que « la littérature n’est pas un outil de militantisme ». Pour lui, elle ne devrait pas servir une cause précise, mais plutôt explorer « l’expérience profonde de l’être humain ». Il posait ainsi des questions essentielles : Quelle est la signification de l’appartenance à un peuple ou à une famille ? Quel poids a la mémoire sur l’individu et quelle liberté lui accorde-t-elle ? Qui suis-je vraiment ? À travers un style narratif qui mêle parfois le conte et d’autres fois une approche familière, Khoury aborde ces grandes interrogations tout en réfléchissant à la place de l’auteur dans la société.
La quête de légitimité
Dans le préambule de son dernier roman publié en France, L’Étoile de la mer (2023), qui constitue le deuxième volet d’une trilogie encore inachevée, il se questionnait sur sa légitimité à écrire sur ceux qui ont disparu : « Comment les absents écrivent-ils ? ». Ce mystère, désormais, trouve une résonance particulière à travers son propre parcours, laissant un héritage littéraire d’une profondeur inégalée.