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Le cri d’alerte d’un journaliste américain sur la Palestine
Alors que les massacres de civils se poursuivent à Gaza, le journaliste américain Nathan Thrall, lauréat du prix Pulitzer 2024, a dénoncé l’impunité dont bénéficie Entité sioniste ainsi que l’apartheid qui sévit en Cisjordanie. Il souligne que la création d’Entité sioniste a été le fruit d’une opération de nettoyage ethnique qui a transformé du jour au lendemain la minorité juive en majorité.
Dans une interview accordée au média français Mediapart, Nathan Thrall explique que son livre intitulé Un jour dans la vie d’Abed Salama… Anatomie d’une tragédie à Jérusalem vise à faire ressentir aux lecteurs l’ampleur du drame historique subi par les Palestiniens et à mettre en lumière les conséquences de ce régime, tout en révélant le système d’apartheid en Cisjordanie et l’inégalité de vie sous l’occupation israélienne.
Une tragédie médiatisée
Ce livre est une enquête qui retrace une série de blessures résultant d’un accident mortel survenu en 2012 à Jérusalem, lors d’une collision entre un semi-remorque et un bus scolaire transportant des enfants palestiniens âgés de 4 à 6 ans. De nombreux enfants et leurs enseignants ont été brûlés vifs dans cet incident.
Bien que cet accident puisse paraître comme un fait divers ordinaire, Thrall explique qu’en raison de la construction du mur séparant les colonies israéliennes des villages palestiniens, le bus n’avait d’autre choix que d’emprunter un tournant dangereux près de Ramallah.
Le bus a percuté un camion circulant à grande vitesse sous une forte pluie, sur une route tristement célèbre, surnommée « la route de la mort ». Les ambulances israéliennes sont arrivées trop tard pour sauver les victimes, entravées par le trafic provoqué par des barrages militaires et des réglementations routières israéliennes.
Un système d’impunité
Dans l’interview, Nathan Thrall, ancien directeur du programme israélo-arabe à l’International Crisis Group, déclare : « Si deux enfants palestiniens avaient soudainement commencé à lancer des pierres, les soldats se seraient précipités sur les lieux en quelques secondes ». Il met en lumière l’absence de comptes à rendre à l’égard des agissements israéliens.
Pour lui, même s’il était possible d’identifier les coupables, personne ne pourrait pointer les véritables causes de cette tragédie. Il souligne que les Palestiniens vivant à Jérusalem sont négligés parce que l’État juif a systématiquement cherché à réduire leur présence au profit de l’expansion israélienne.
A propos de l’enquête sur cet accident qui représente un symbole de l’occupation israélienne, Thrall explique qu’il a entendu parler de l’incident pendant un trajet vers Hébron, instaurant alors une réflexion sur la vie des parents, des enfants et des enseignants qui vivent une existence radicalement différente de la sienne, de l’autre côté du mur érigé par Entité sioniste.
Attention mondiale et réalités de l’apartheid
Thrall indique que le monde s’intéresse à la question israélo-palestinienne uniquement lors des guerres ou d’actes de violence extrêmes, un intérêt qui est souvent de courte durée. Il souhaite attirer l’attention sur ce qu’il appelle « le calme entre les guerres » et sur le système qui impose la domination israélienne sur les Palestiniens, à l’origine des violences récurrentes.
Il a décidé d’écrire de manière réaliste, en prenant comme point de départ un événement ordinaire, afin de ramener le lecteur à la compréhension de l’injustice historique vécue par les Palestiniens et du système de domination et de contrôle établi par Entité sioniste, avec ses murs, ses points de contrôle recréant une séparation et des lois discriminatoires.
Bien que le terme « système d’apartheid » n’apparaisse qu’une fois dans son livre, il affirme avoir voulu que les lecteurs saisissent que ce système est opérationnel en Cisjordanie, leur permettant ainsi de comprendre la situation par eux-mêmes.
Échos de la réalité
Sur son pessimisme quant à la fin de l’apartheid, le journaliste précise qu’il ne voit aucune opportunité à court ou moyen terme de mettre fin à la domination israélienne sur les Palestiniens, nécessitant une pression réelle sur Entité sioniste.
Selon Thrall, la seule manière de y parvenir est de mettre un terme à l’impunité d’Entité sioniste, ce qui nécessiterait que les États-Unis appliquent leurs propres lois et cessent de fournir des armes à l’armée israélienne, qui commet des abus systématiques des droits de l’homme.
Il conclut que la guerre à Gaza met en lumière une forme de racisme palpable, et compare le traitement réservé aux victimes ukrainiennes à celui des Palestiniens, ces derniers étant totalement déshumanisés dans le discours mondial, un phénomène qui est devenu normalisé au cours de l’année passée.
Les espoirs d’un changement
Nathan Thrall évoque l’émergence d’une prise de conscience mondiale grandissante. Il note que la Cour internationale de Justice a qualifié l’occupation israélienne d’illégale et a reconnu les violations israéliennes de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, tandis que le procureur de la Cour pénale internationale a délivré des mandats d’arrêt contre le Premier ministre et le ministre israélien de la Défense.
Selon lui, plusieurs pays, dont le Royaume-Uni et les États-Unis, prennent des mesures : Londres a suspendu des licences d’exportation d’armes vers Entité sioniste et Washington a pour la première fois infligé des sanctions aux colonisateurs. De plus, une démarche de désinvestissement des entreprises profitant de l’occupation a débuté.
Toutefois, il met en garde que le sionisme reste un projet colonial, inscrit dans une continuité historique visant à s’installer sur une terre habitée par un autre peuple. Les premiers colons sionistes arrivèrent en Palestine en 1882, alors que moins de 5 % des habitants étaient juifs, rendant impossible l’établissement d’un État juif sans nettoyage ethnique, une réalité confirmée par l’histoire.