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Bloomberg révèle la montée du capitalisme d’État mondial
Dans son dernier article sur Bloomberg, l’économiste Adrian Wooldridge souligne un changement majeur dans l’économie mondiale, avec le retour des gouvernements en tant qu’acteurs clés des marchés globaux. Ces gouvernements jouent désormais un rôle clair en tant que propriétaires, financiers et investisseurs, incarnant une forme de capitalisme d’État.
Une croissance exponentielle du capitalisme d’État
D’après des données fournies par Elias Alami et Adam Dixon, auteurs de « L’ombre du capitalisme d’État », les fonds souverains ont contrôlé plus de 11,8 billions de dollars l’année dernière, marquant une augmentation considérable par rapport à seulement un billion de dollars en 2000.
Cette avancée rapide positionne ces fonds au-dessus des fonds de couverture et des sociétés de capital-investissement, selon Wooldridge.
En 2020, les actifs des entreprises publiques, ou SOEs (State-Owned Enterprises), ont atteint 45 billions de dollars, représentant près de la moitié du produit intérieur brut mondial, en hausse par rapport à 13 billions seulement en 2000.
Les entreprises d’État : une expansion mondiale
Wooldridge explique que les entreprises d’État modernes diffèrent grandement des bureaucraties gouvernementales traditionnelles. Au lieu d’être gérées directement par le gouvernement, elles sont souvent possédées de manière passive, avec des parts souvent minoritaires.
Ces entreprises sont dirigées par des cadres ayant des diplômes de MBA de grandes écoles, bénéficiant d’une vaste expérience dans le secteur privé. Cependant, la performance et la transparence de ces entreprises varient. Certaines peuvent servir de couvertures pour des bureaucrates corrompus ou des instruments pour des politiciens alliés du gouvernement, tandis que d’autres opèrent de manière professionnelle sur le marché mondial.
Un outil pour contrôler la production mondiale ?
Wooldridge note que les gouvernements utilisent des entreprises publiques pour maîtriser les réseaux de production à l’échelle mondiale. Par exemple, l’acquisition par la société énergétique chinoise CNOOC de la société canadienne Nexen en 2013 lui a permis d’accéder aux ressources pétrolières de quatre continents et d’élargir ses investissements dans le pétrole de schiste.
De telles transactions illustrent la croissance de l’influence gouvernementale dans des secteurs stratégiques à l’échelle mondiale.
La spirale du capitalisme d’État
Alami et Dixon ont développé un concept captivant désigné comme la « spirale du capitalisme d’État », affirmant que l’expansion de ce modèle entraîne une augmentation encore plus grande de ce type de capitalisme.
Ce phénomène est observable dans des pays comme l’Allemagne, où des « champions nationaux » sont créés pour rivaliser avec les politiques de subvention aux batteries électriques mises en place par l’administration Biden aux États-Unis.
De plus, l’enthousiasme pour la création de fonds souverains augmente en Afrique, avec actuellement 22 fonds opérationnels et 7 autres en préparation, inspirés par le succès des fonds d’Asie de l’Est et du Moyen-Orient.
Les défis du capitalisme d’État
Bien que le capitalisme d’État représente un puissant outil pour dynamiser l’économie nationale, il s’accompagne de défis importants.
- Une problématique de concentration et de monopole, où les entreprises d’État exercent un contrôle significatif sur l’économie mondiale. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la moitié des dix plus grandes entreprises au monde ainsi que 132 des 500 plus grandes entreprises sont publiques.
- Une question de transparence, où des institutions comme la Commission chinoise de supervision des actifs d’État (SASAC), bien qu’influente, restent méconnues du grand public. Cette commission détient exclusivement 96 sociétés holding qui contrôlent des entreprises cotées en bourse à Shanghai et sur les marchés internationaux.
La nécessité d’une gestion éclairée
La gestion de cette montée du capitalisme d’État nécessite une grande ingéniosité et innovation. Wooldridge suggère que nous devons abandonner l’idée que ce modèle est simplement une relique d’un passé marqué par le contrôle de l’État ou qu’il est exclusivement lié à la puissance chinoise.
En effet, le capitalisme d’État est en plein essor et se développe de manière significative, même dans certains des pays les plus développés.
Wooldridge insiste sur l’importance de renforcer la portée des institutions technocratiques mondiales, comme la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et l’OCDE, pour réguler ce système mondial croissant et établir des limites claires entre le « bon et le mauvais » capitalisme d’État, une tâche complexe à l’ère des gouvernements populistes dominant le paysage politique mondial.