Sommaire
Les mythes trompeurs sur le rôle des tribus dans l’État
Introduction
La couverture d’un livre intitulé « Tribus et États : Géographie de l’interaction gouvernementale internationale », écrit par Brad A. Bays et Erin H. Fouberg, a attiré mon attention. Le sujet traite de la relation entre l’État et les tribus aux États-Unis !
A la conclusion du livre, ils affirment qu’aucune interaction entre l’État et la tribu ne devrait être considérée comme un jeu à somme nulle.
Pour un citoyen du Moyen-Orient comme moi, il est surprenant que le livre concerne les tribus des États-Unis, l’une des nations les plus modernes et post-industrielles. D’autres sources révèlent que le nombre de tribus reconnues est de 574 sur un total de 4000 tribus indigènes.
Les « cinq tribus civilisées »
Différentes sources mentionnent les tribus les plus connues d’Amérique, appelées les « cinq tribus civilisées » : Cherokee, Chickasaw, Choctaw, Muscogee et Seminole. Le gouvernement fédéral offre une reconnaissance légale à ce que l’on appelle la « souveraineté tribale aux États-Unis. » Plus de 300 autres tribus ont demandé la reconnaissance fédérale ou l’acceptation par l’État.
Les membres des tribus jouissent des droits de citoyenneté américaine tout en conservant leurs gouvernements, communautés et cultures tribales. Bien que certaines tribus dépendent des gouvernements des États et du gouvernement fédéral pour l’application de la loi, beaucoup ont leurs propres systèmes juridiques et gouvernements selon le site officiel du gouvernement des États-Unis et le ministère de la Justice.
William James Sidis, dans son livre « Tribus et États », ne voit aucun inconvénient à reconnaître que la démocratie américaine a été largement façonnée par les diverses tribus indigènes rencontrées par les colons européens lors de leur installation sur le continent. Chaque tribu possède sa propre culture, ses besoins différents et sa langue unique ; il existe environ 150 langues tribales différentes aux États-Unis et au Canada.
La France et ses racines tribales
À titre d’exemple, le mot « France » est dérivé de « Frankia », qui signifie la terre des Francs, une tribu germanique qui a repoussé les Romains de la Gaule. Historiquement, la Gaule correspondait aux régions de l’Europe occidentale, incluant la France actuelle, la Belgique, une partie de l’Allemagne, de la Suisse et du nord de l’Italie. Plusieurs tribus, connues sous le nom de tribus gauloises, originaires des tribus celtiques migrées d’Europe centrale, y ont dominé au VIIe siècle.
La France a toujours été un mélange de coutumes locales et de différences régionales. Bien que la majorité des Français continuent de parler français comme langue maternelle, des langues comme la normande, l’occitane, la catalane, la corse, la bretonne, la basque et l’alsacienne restent parlées dans leurs régions respectives.
Le mythe du conflit État-Tribu
J’ai choisi d’introduire ce long préambule sur la « tribu » dans les États post-industriels, car dans notre monde arabe – les sociétés en transition – le mot « tribu » évoque souvent une inquiétude culturelle liée à la « question de l’identité » et une inquiétude politique liée à la « question de l’existence » elle-même. Dans le discours moderniste arabe, la tribu est souvent vue comme niant l’État, les deux étant considérés comme des opposés irréconciliables. Cependant, plusieurs chercheurs occidentaux estiment que cette vision est un pur « mythe trompeur » résultant de la paresse académique, basée sur une approche où l’on juge d’abord puis on se justifie ensuite, menant à des conclusions confuses et chaotiques.
Combattre les préjugés sur les tribus
Philippe Carl Salzman, dans son livre « Tribus et États modernes : une approche alternative », argue qu’en dehors des États pré-modernes, la politique impose souvent la répression des tribus indépendantes, car elles contredisent la centralisation et la hiérarchie de l’État, les affaiblissant ainsi. Philippe S. Khoury et Joseph Kostiner, dans leur recueil « Tribes and State Formation in the Middle East », soulignent que les États existent souvent aux côtés des tribus, voire créent des tribus pour leurs propres fins. Certaines études montrent des domaines où les tribus renforcent la formation de l’État, plutôt que de la freiner.
Alyson Barjeter, dans son étude « Tribes and State in Libya and Iraq… from the Nationalist Era to the New Regime », affirme que les changements de régimes en Libye (2011) et en Irak (2003) ont mis en avant des acteurs subétatiques, y compris les tribus, comme des éléments influents politiquement, socialement et sécuritairement.
Le rôle adaptatif des tribus
Malgré leur rôle croissant, les tribus sont souvent mal comprises, associées à tort à des formes d’organisation « pré-nationales » ou « pré-modernes ». Les entretiens d’Alyson Barjeter avec des chefs tribaux en Libye et en Irak révèlent comment les tribus réussissent à renforcer leur présence dans les structures politiques locales et nationales. Contre les approches modernistes qui prédisent la disparition des tribus, Barjeter montre qu’elles restent des acteurs essentiels dans l’État.
Conclusion non-écrite
La tribu, en fin de compte, est un héritage social plus ancien que l’État lui-même. Elle incarne une forme de citoyenneté nationale basée sur un système de justice équitable et le respect des traditions. En l’absence d’institutions démocratiques solides, les pratiques tribales compensent souvent la carence de performance des centres politiques officiels. L’intervention de l’État peut transformer la tribu en une force parallèle et dissidente, souvent pour des raisons politiques ou sécuritaires.