Sommaire
# Procès inédit en France de hauts responsables sécuritaires syriens
Contexte du procès
Pour la première fois en France, un procès par contumace commencera ce mardi devant la Cour d’assises de Paris contre trois hauts responsables sécuritaires du régime syrien, accusés de complicité dans la commission de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre à la suite du décès de deux Franco-Syriens arrêtés en 2013.
Selon la Fédération internationale pour les droits humains, les procédures visent à « juger les plus hauts responsables du régime depuis le début de la révolution syrienne en mars 2011 » contre le président Bachar al-Assad.
Les accusés
Les trois accusés par contumace sont :
Des responsables de moindre envergure ont déjà été jugés ailleurs en Europe, notamment en Allemagne, pour les exactions du régime.
Détails du procès
D’après l’Agence France-Presse, la Cour d’assises comptera trois juges sans jury et les audiences seront filmées sur une période de quatre jours pour être conservées dans les archives judiciaires. Pour la première fois, une traduction arabe sera mise à la disposition du public à la Cour d’assises de Paris.
Les victimes
L’affaire concerne les victimes Patrick Dabbagh et son père Mazen. Patrick, né en 1993, était étudiant en littérature et sciences humaines à Damas, tandis que son père, né en 1956, était le principal conseiller pédagogique de l’école française de la capitale syrienne.
Mazen Dabbagh et son fils Patrick, ont été tués en détention en Syrie, selon l’acte d’accusation des juges d’instruction (Al Jazeera).
Mort sous la torture
Le père et le fils ont été arrêtés en novembre 2013 par des agents identifiés comme appartenant aux services de renseignement aérien syriens. Selon le beau-frère de Mazen, également arrêté mais relâché après deux jours, les deux hommes, qui avaient la double nationalité franco-syrienne, ont été transférés à l’aéroport de Mezzeh près de Damas, réputé pour être l’un des pires centres de torture du régime.
Aucune preuve de vie n’a émergé jusqu’à l’annonce de leur décès en août 2018. Selon les certificats de décès envoyés à la famille, Patrick est décédé le 21 janvier 2014 et Mazen le 25 novembre 2017.
Dans l’acte d’accusation, les juges d’instruction ont conclu qu’il était « suffisamment prouvé » que les deux hommes avaient « souffert d’une torture sévère comme des milliers de détenus des services de renseignement aériens », conduite qui a conduit à leur mort.
Les organisations de défense des droits humains confirment le décès de milliers de détenus syriens sous la torture dans les prisons du régime (archives Al Jazeera).
Témoignages et faits
Dans ce contexte, des dizaines de témoins, dont plusieurs déserteurs de l’armée syrienne et anciens détenus de Mezzeh, ont fourni des détails aux enquêteurs français et au Comité international pour la justice et la responsabilité, une organisation non gouvernementale, sur les tortures dans cette prison, mentionnant des coups avec des barres de fer sur la plante des pieds, des décharges électriques et des violences sexuelles.
Par ailleurs, l’épouse de Mazen Dabbagh et sa fille ont été expulsées de leur domicile à Damas, pris par Abd al-Salam Mahmoud. L’accusation stipule que ces faits « sont susceptibles de constituer des crimes de guerre et d’extorsion éhontée », et que « la confiscation des biens de Syriens disparus, détenus ou déplacés de force ou réfugiés était une pratique courante du régime syrien ».
Justice et responsabilités
L’avocate Clémence Bectart, représentant plusieurs parties civiles, a déclaré : « Beaucoup peuvent considérer ce procès comme symbolique, mais il s’inscrit dans un processus long et doit être lu à la lumière des procès précédents ». Elle a ajouté que « tout cela fait partie d’un effort pour combattre l’impunité des crimes du régime syrien, ce qui est crucial car cette lutte pour la justice est aussi une lutte pour la vérité ».
Elle a souligné que « nous avons tendance à oublier que les crimes du régime continuent encore aujourd’hui », indiquant que ce procès rappelle la nécessité de ne pas normaliser les relations avec le régime de Bachar al-Assad.
Depuis 2011, la Syrie est en proie à un conflit sanglant qui a causé la mort de plus d’un demi-million de personnes, selon les organisations de défense des droits humains, causé des destructions massives d’infrastructures et forcé des millions de personnes à se déplacer à l’intérieur et à l’extérieur du pays.
Le sort de dizaines de milliers de disparus, kidnappés et détenus par toutes les parties au conflit, notamment dans les prisons et centres de détention du régime syrien, reste inconnu.