Adieu à la véritable culture nationale
Le Salon international du livre du Caire a clôturé sa cinquante-cinquième édition il y a quelques jours. Cet événement emblématique qui a vu le jour pour la première fois en 1969 a joué un rôle essentiel dans la promotion de la lecture au sein de la classe moyenne égyptienne.
L’événement, supervisé par feu le Dr. Soheir El Qalamawi, à l’époque présidente de l’Autorité générale du livre relevant du ministère de la Culture, a marqué une époque où les livres étaient abordables, et la conjoncture économique et politique permettait à la population de s’adonner à la lecture.
Au fil des années, le sens de la « culture nationale » s’est transformé en un projet touristique visant à générer des revenus pour les ministères gouvernementaux, reléguant progressivement l’aspect culturel au second plan.
La disparition de la culture nationale a laissé place à l’émergence d’une « tourisme culturel » qui, malheureusement, a marginalisé les classes populaires et les intellectuels en rendant le Salon du livre inaccessible financièrement.
Cette évolution s’est également reflétée dans le contenu des livres, s’éloignant des sujets sérieux pour privilégier des publications divertissantes. Les maisons d’édition ont abandonné les œuvres traitant de sujets profonds au profit de livres légers et sensationnels.
La crise culturelle et artistique actuelle en Égypte a conduit les lecteurs à se réfugier dans des ouvrages évoquant les figures emblématiques telles que Badee’ Khairat, Naguib Al-Rihani, Kamal El-Shennawi, et Mahmoud El-Saadani, désirant retrouver la nostalgie des jours passés.
Le Salon du livre du Caire, qui se tenait autrefois à la Foire du Caire, est aujourd’hui dépourvu de son effervescence culturelle d’antan. Les discussions enrichissantes entre les créateurs égyptiens et arabes voisins ne sont plus qu’un lointain souvenir.
Il est désormais impératif que le ministère du Tourisme prenne en charge l’organisation du Salon du livre, réorientant ainsi son objectif vers la promotion d’une culture égyptienne authentique pour tous.
Le fossé grandissant entre le concept de « culture nationale » et la prédominance du « tourisme culturel » illustre un changement radical dans la perception de la culture en Égypte, mettant en péril l’héritage culturel et littéraire du pays.
Cette perte identitaire annonce le déclin d’un pan essentiel de la société égyptienne et soulève des questions cruciales sur l’avenir de la scène culturelle du pays, autrefois animée par un « armée d’intellectuels » désormais reléguée au second plan.