Trouver un dentiste abordable devient un véritable parcours du combattant au Royaume-Uni
Trouver au Royaume-Uni un dentiste qui pratique des tarifs accessibles, alignés sur ceux de la santé publique, s’apparente désormais à une mission quasiment impossible pour de nombreux Britanniques, tourments comparables à un véritable « cauchemar ». Pour certains, aucune alternative ne se présente si ce n’est de se tourner vers le secteur privé, s’ils ont les moyens de supporter le coût, tandis que d’autres préfèrent renoncer à toute forme de soins dentaires, même en cas de nécessité absolue.
À l’instar de la crise profonde qui secoue le système de santé publique en Grande-Bretagne, le NHS (National Health Service), un grand nombre de dentistes abandonnent ce dernier au profit d’établissements privés. Ce choix s’explique par la rentabilité supérieure du secteur privé, mais également par des coûts considérablement plus élevés.
Lors d’une session au parlement en début janvier, la députée travailliste Ashley Dalton exprimait sa déception en déclarant : « En 2024, il sera plus aisé d’obtenir un billet pour un concert de Taylor Swift que de décrocher un rendez-vous chez un dentiste conventionné avec le NHS. »
Les Britanniques montrent un attachement fort au NHS, qui leur permet, quel que soit leur revenu, d’accéder à des soins médicaux gratuits ou à des soins dentaires à moindre coût. Pourtant, une étude réalisée par la British Dental Association en 2022 révèle que 90 % des dentistes n’acceptent plus de nouveaux patients à des tarifs conventionnés.
Selon un sondage de l’institut statistique YouGov en mars 2023, un Britannique sur cinq ne s’est pas inscrit auprès d’un établissement de santé privé ou public.
Depuis des mois, Danny White, père de famille au chômage, lutte pour trouver un dentiste tant pour lui que pour sa femme souffrant d’abcès répétés, et pour ses deux filles dont l’une a une dent qui pousse derrière ses dents de lait, et l’autre a besoin d’un appareil orthodontique.
White, résident de Bury St Edmunds dans l’est de l’Angleterre, confie à l’Agence France-Presse : « C’est un cauchemar absolu… Nous essayons constamment d’obtenir un rendez-vous » pour la plus jeune fille, mais les trois cliniques de la ville « ont toutes cessé d’enregistrer leurs patients auprès du NHS » et proposent uniquement des soins privés.
Il ajoute : « Cela coûterait 400 livres sterling (507 dollars) rien que pour une première consultation (pour toute la famille), sans aucun traitement », une dépense hors de portée pour cette famille qui peine déjà à rembourser un prêt automobile.
Comme les White, des milliers de Britanniques se retrouvent dans une nécessité pressante de soins, alors que les réseaux sociaux et les médias regorgent de témoignages de personnes ayant dû voyager des centaines de kilomètres pour trouver un dentiste, emprunter de l’argent pour payer leurs soins, ou bien d’autres qui profitent d’un séjour à l’étranger pour se faire extraire des dents.
Mark Jones, conseiller en sécurité ayant lancé il y a trois ans la campagne « Toothless in England », mentionne des cas dramatiques de patients hospitalisés pour overdose d’antidouleurs ou décédés à cause d’un empoisonnement sanguin résultant d’un abcès ou d’un cancer buccal non diagnostiqué.
Il explique avec indignation : « Certains se voient obligés d’extraire leurs propres dents, » comme cela a pu être observé durant les confinements liés à la pandémie de COVID-19, période au cours de laquelle le « dentiste à domicile » s’est répandu.
Une situation précaire qui s’aggrave
Des données de l’OCDE illustrent que le Royaume-Uni compte seulement 49 dentistes pour 100 000 habitants, le taux le plus bas parmi les pays du G7. Toutefois, « le problème n’est pas le manque de dentistes, mais l’absence de dentistes choisissant de travailler avec le NHS, » selon Mark Jones.
Un rapport publié en décembre par The Nuffield Trust, un centre de recherche, tire la sonnette d’alarme sur les services de dentisterie du NHS en annonçant qu’ils « approchent presque de leur fin ».
Le système de santé dentaire se scinde progressivement en deux niveaux ; d’un côté, ceux pouvant s’offrir les services du secteur privé, de l’autre, les plus démunis assistent à la dégradation de leur santé bucco-dentaire.
Eddie Crouch, président de la British Dental Association, reconnait que la situation est « choquante », mais pointe du doigt le « manque d’investissement » de l’Etat ces dix dernières années, sans compter les nombreuses annulations de soins pendant la pandémie.
Il souligne aussi une réforme de 2006 qui a modifié les tarifs des soins dentaires, les rendant moins attractifs pour les dentistes.
À l’heure actuelle, un peu plus de 70 % des dentistes fournissent des traitements sous le couvert du NHS, souvent avec des volumes très restreints, selon un rapport récent du parlement.
Le gouvernement conservateur a promis un plan pour le système dentaire public dont le budget annuel s’élève à 3 milliards de livres sterling (3,8 milliards de dollars) pour l’Angleterre.
Eddie Crouch pense qu' »avant tout, nous avons besoin de mesures incitatives permettant aux dentistes d’accueillir de nouveaux patients », ce qui implique une « récompense additionnelle » pour les soins complexes.
Mais des solutions doivent aussi être trouvées pour répondre à la « nécessité urgente » des patients souffrant, présente Mark Jones, qui propose la mise en place de cliniques dentaires mobiles et de services de soins d’urgence dans les hôpitaux.