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Le Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS), basé dans la capitale américaine, Washington, a publié un rapport détaillé tentant de répondre à une question récurrente : Que signifie détruire le Mouvement Hamas?
Le rapport a été rédigé par deux experts en conflits internationaux, David Ailberti, spécialiste du programme de sécurité internationale du centre, et Daniel Byman, chercheur en menaces transnationales, et professeur à l’université de Georgetown.
Le rapport commence par examiner la réaction concertée du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et du président américain Joe Biden face à l’opération « Déluge de l’Al-Aqsa » menée par les Brigades Al-Qassam, l’aile militaire du Mouvement Hamas, le 7 octobre.
Après l’attaque, l’occupation a annoncé la nécessité de détruire le Mouvement Hamas et de mettre fin définitivement à ses menaces, tandis que Biden a souligné l’importance d’éliminer complètement le mouvement.
Voici les trois options présentées par les auteurs concernant la destruction du Hamas :
- La première : tente de tuer ou de capturer les dirigeants du Hamas et d’éliminer les réseaux de soutien plus larges sur lesquels il s’appuie.
- La seconde : détruit l’emprise du Hamas sur le pouvoir en renforçant ses rivaux et en leur permettant de déplacer le mouvement.
- La troisième : tente de contrer l’idéologie du Hamas qui encourage la résistance violente à Entité sioniste.
Les auteurs estiment que toutes ces options sont difficiles à réaliser et sont chacune entourées de défis importants.
Élimination des dirigeants du Hamas et de ses réseaux de soutien
Entité sioniste a mené des raids aériens et des opérations terrestres pendant plus de 70 jours, avec l’intention de détruire le Hamas, et selon les responsables israéliens – d’après le rapport – des milliers de combattants du Hamas ont été tués.
Cependant, malgré les pertes colossales en termes de nombres, le mouvement est loin d’être vaincu, encore moins détruit.
- 1- Mouvement ancré difficile à éliminer
Le rapport cite les déclarations du président français Emmanuel Macron, qui a déclaré que si Entité sioniste maintient son objectif de détruire le Hamas et au même rythme, cette guerre durera 10 ans.
Les prédictions de Macron pourraient être optimistes, compte tenu des résultats précoces et des précédents historiques des tentatives de destruction de mouvements insurrectionnels bien établis.
Un exemple de ce type de combat est celui des États-Unis, qui ont lancé des opérations militaires pour évincer les Talibans du pouvoir et détruire Al-Qaïda en Afghanistan en 2001.
Les forces américaines ont tué des milliers de combattants et des dizaines de leaders, y compris le chef d’Al-Qaïda, Oussama ben Laden, en 2011, mais la guerre contre les Talibans et Al-Qaïda n’a pas pris fin, et Al-Qaïda a continué d’exister pendant dix autres années.
Lorsque les forces américaines ont quitté l’Afghanistan, les Talibans étaient victorieux, tandis qu’Al-Qaïda est resté intact, bien qu’affaibli considérablement.
- 2- La difficulté de cibler les leaders
Il est particulièrement difficile de cibler les leaders, où il a fallu aux États-Unis 10 ans pour traquer et éliminer Ben Laden, et la même chose s’est produite avec son successeur Ayman al-Zawahiri, qui a dirigé l’organisation pendant 11 autres années, jusqu’à son assassinat le 31 juillet 2022.
Ainsi, la poursuite des leaders de premier plan du Hamas et des Brigades Al-Qassam constitue un grand défi pour l’armée israélienne, en particulier avec l’existence d’un réseau complexe et fortifié de tunnels.
Néanmoins, le Hamas bénéficie d’une présence profonde dans la société palestinienne. Pendant la deuxième Intifada, le mouvement a perdu à plusieurs reprises ses plus hauts dirigeants, y compris son fondateur, mais il a réussi à résister et à acquérir rapidement le pouvoir à Gaza dès le départ des forces israéliennes.
De plus, sa situation actuelle est bien meilleure qu’auparavant, car plus de 15 années de gestion ont renforcé sa présence et son lien avec la société, et en conséquence, le Hamas peut facilement revenir au pouvoir dès le départ des forces israéliennes.
- 3- La capacité de recruter de nouveaux membres
En outre, le nombre de combattants du Hamas n’est pas fixe, et ils peuvent compter sur les Palestiniens de Gaza pour remplir leurs rangs. Le mouvement n’a pas manqué de recruter des membres et la destruction causée par l’agression israélienne garantira probablement une abondance de jeunes Palestiniens en colère prêts au combat.
Il ne faut pas exclure la possibilité que la poursuite de l’agression élargisse le conflit, si les alliés du mouvement estiment qu’il est sur le point de subir une défaite apparente. Ils pourraient alors rejoindre la lutte contre Entité sioniste.
En réfutant également ce point, le nombre de victimes civiles selon le ministère de la Santé palestinien dans la bande de Gaza est plusieurs fois supérieur aux décès parmi les membres des Brigades Al-Qassam, et ce ratio n’est pas prometteur ou rassurant, et ne pave pas la voie au succès de l’objectif fondamental de l’armée israélienne.
Il est presque certain que le nombre de victimes palestiniennes a déjà conduit à un changement d’opinion publique mondiale contre Entité sioniste et en faveur des Palestiniens, et a également créé des tensions avec l’administration Biden, principal et plus important soutien d’Entité sioniste.
Briser l’emprise du Hamas sur le pouvoir et renforcer les groupes alternatifs
La deuxième idée consiste à autonomiser un leadership alternatif pour le Hamas dans la bande de Gaza, que Biden a promu, et peut impliquer des pays arabes. De plus, l’ONU et la communauté internationale pourraient jouer un rôle à cet égard.
- 1- Remplacement de l’autorité du Hamas
Dans ce scénario, l’idée n’est pas de détruire directement le Hamas, mais de remplacer son autorité politique à Gaza, réduisant ainsi considérablement sa force globale.
Les auteurs estiment qu’il est difficile de remplacer politiquement le Hamas, car ses racines profondes à Gaza lui permettent de mobiliser le soutien dans tout le secteur.
Tout concurrent doit acquérir le soutien des Palestiniens ordinaires à Gaza et doit avoir la force militaire nécessaire pour réprimer les forces du Hamas tout en contestant l’autorité de l’alternative.
L’Autorité palestinienne ne semble pas être la meilleure option sur ce point, selon le rapport, car elle est faible et corrompue, et sa crédibilité en Cisjordanie est en jeu. Pour beaucoup de Palestiniens, elle est perçue comme une « servante de l’occupation israélienne ».
Si l’Autorité palestinienne prenait le pouvoir à Gaza via une intervention israélienne, elle perdrait davantage de crédibilité et ne pourrait pas affronter le Hamas à Gaza toute seule, et aurait donc besoin d’un soutien israélien continu.
- 2- Intégration politique
La solution de rechange consiste à ce que l’Autorité palestinienne travaille avec le Hamas, qui doit faire partie de l’avenir palestinien dans ce mouvement, position que refuseront à la fois Entité sioniste et les États-Unis.
Par conséquent, tout accord avec l’Autorité palestinienne ne conduira pas à la disparition du Hamas et ne pourra pas être défendu devant la perspective israélienne, car cela légitimerait le mouvement, qui serait le partenaire principal dans toute relation avec l’Autorité à Gaza.
- 3- Désintérêt arabe et international
Quant aux pays arabes, ils n’ont pas beaucoup d’intérêt à intervenir et leurs capacités sont limitées, et il n’est pas facile pour un régime arabe de se montrer à son peuple comme un soutien à Entité sioniste et de l’aider dans la guerre contre le Hamas.
De même, les forces internationales navigueront sans boussole à Gaza, et auront peu de connaissance des gens et seront considérées comme des occupants.
Confrontation de l’idéologie du Hamas
Un autre concept de défaite implique de combattre l’idéologie du Hamas dans la pratique gouvernementale.
La complexité ici réside dans l’approche adoptée par le Hamas qui mélange l’islam politique et le nationalisme palestinien.
- 1- Incarnation de la résistance
Le Hamas cherche à incarner « la résistance », qui repose sur le défi militaire à Entité sioniste tant que les Palestiniens n’obtiennent pas leurs droits, ce qui donne au mouvement un soutien populaire illimité, faisant de l’idée de le détruire un point d’inspiration pour le peuple à se tenir à ses côtés et à le soutenir sans limite.
Actuellement, aucune idéologie contraire au Hamas n’est largement acceptée parmi les Palestiniens. Le nationalisme traditionnel, représenté par le Fatah, est en déclin depuis des années et, après l’opération Déluge de l’Al-Aqsa, la popularité du Hamas a augmenté par rapport à celle de ses rivaux.
- 2- Popularité croissante
Pire pour Entité sioniste, l’idéologie de « la résistance » est devenue plus populaire, avec des sondages fiables montrant que le Hamas jouit d’une bien plus grande popularité parmi les Palestiniens.
Le Hamas a asséné un coup puissant à Entité sioniste, considéré comme une évasion pour de nombreux Palestiniens qui se sentent humiliés par l’occupation israélienne continue.
- 3- Pertes dévastatrices
De plus, les pertes civiles et la destruction résultant de l’occupation militaire israélienne ont accru l’amertume des Palestiniens, ce qui fait partie de la stratégie israélienne visant à montrer aux Palestiniens qu’ils paieront un lourd tribut pour leur résistance.
Cette situation est à double tranchant car elle peut soit augmenter la résistance contre l’occupation, soit – avec le temps – conduire à l’émergence d’un segment de la population qui blâme le Hamas.
Le rapport conclut que le coût de l’agression sur Gaza est très élevé et que Entité sioniste doit se rendre compte que tout succès dans cette guerre est susceptible d’être limité, et qu’elle continuera à faire face au Hamas et au problème plus large de Gaza dans les années à venir.